mardi 17 octobre 2006

Fin de bourlingue


C’est la fête au village de Korguondu Bulale. Tir à l’arc et lutte pour les gros bras ; rugby à cheval à la poursuite d’une carcasse de chève, jeu qu’on appelle “buzkashi” ou “ulak-tartysh”, pour les polyvalents. Les adolescents poursuivent les filles à cheval pour leur voler un baiser. Un aigle plane sur la foule et fond sur un lapin blanc qu’il va dévorer.

C’est ma fête d’adieu à l’Asie Centrale. Un air de mandoline et au revoir, la bourlingue en Asie Centrale est terminée.




samedi 26 août 2006

La riante vallée



A force de nous annoncer le mauvais temps Andrei a fini par avoir raison : des nuages noirs s’accumulent sur les Tian Shan. C’est le coeur lourd que je quitte les contrées désertées pour revenir vers la terre des hommes.

Pour se désacclimater le groupe s’arrête dans la vallée de Jeti-Öghüz au sud du lac Issy Kul, là où les chevaux paissent dans les prés. Dans une yourte un vénérable kirghize nous parle d’une trace de Yéti aperçue par un chasseur sur le glacier. Mais le coeur n’y est plus.

Enfin, je peux me laver dans la rivière et la nature est douce au fond de cette riante vallée.


vendredi 25 août 2006

Qu’est-ce qu’un sommet vierge ?



FAQ : comment déterminer si le sommet que nous avons escaladé était vierge ?

  • Le premier facteur est l’historique de la région. Les chaînes de l’Akshirak et du Kokshal-Tau, qui font partie des Tian-Shan, ont été explorées pour la première fois en 1857 puis sont restées interdites d’accès pendant la plus grande partie du 20ème siècle (réf: Théorie du Yéti ..). Elles sont parcourues aujourd’hui par des chasseurs et des chercheurs de minéraux qui n’ont tous deux aucun intérêt à monter sur les pics. De même que les gardes frontières.
  • Le club alpin kirghize (http://www.kac.centralasia.kg/) est l’autorité qui tient un registre des sommets inexplorés même si ce n’est pas une source absolument fiable. Ils ont recensé dans ces régions 50 sommets vierges à plus de 5′000 mètres et plus de 100 en dessous de cette altitude.
  • L’unique carte des lieux ne mentionnait aucun nom pour notre sommet. Son altitude n’était même pas indiquée.
  • Si le sommet avait présenté un intérêt technique ou de prestige il y a de bonnes chances qu’il ait été déjà gravi. Cela aurait été le cas par exemple s’il avait été le point le plus haut de la chaîne. Or le PRIVRATNIK entre dans la catégorie des sommets faciles (niveau 1b), qui ne présente pas d’intérêt pour les alpinistes chevronnés, et il occupe position relativement anonyme dans le Kokshal-Tau.
  • Si des alpinistes avaient déjà foulé ce sommet il y a de fortes chances qu’ils eussent laissé une trace de leur passage : par exemple une croix ou un amas de pierres. Le soin nous en a été laissé.
Bref, le PRIVRATNIK était un sommet vierge. Il en reste un peu moins de 150 dans les Tian Shan.




jeudi 24 août 2006

Première ascension du Privratnik



Message dans une bouteille : « Un groupe de trekkers d’Asia Mountains a réalisé la première ascension de ce sommet le 18 août 2006 à 12:10 par la voie ouest, catégorie de difficulté 1b. Le groupe est composé de : Misha Volkov, Russie – Andrei Irochimn, Kirghizstan - Michel Biolley, Suisse – Christian Chablais, Suisse. En vertu du droit du premier grimpeur nous avons donné le nom de PRIVRATNIK à cette montagne, qui signifie en russe ‘le gardien de la porte’ ».

Le pic se situe à 10 kilomètres de la Chine et culmine à une altitude de 4′450 mètres. Sur le sommet nous avons construit un petit amas de pierres dans lequel a été enfouie une bouteille en plastique. A l’intérieur se trouve une feuille de papier avec le message cité plus haut.

La montagne se trouve à deux pas de glaciers imposants et il est vrai qu’elle semble être ici pour en garder l’accès. Voilà pourquoi nous l’avons baptisée PRIVRATNIK - le gardien de la porte.

Sa pente est régulière, recouverte d’un roche tourmentée : les pierres ressemblent à des ardoises, elles sont friables comme du papier. L’ascension présente un certain niveau de difficulté sur quelques dizaines de mètres seulement, à 200 mètres du sommet.





mercredi 23 août 2006

En route

La nuit a été courte. Au petit matin les explosions de lumière de la veille ne sont plus qu’un souvenir. Nous enchaînons avec l’ascension du sommet vierge qui se tient sous notre nez et semble accessible. Le pic enneigé attire toute l’équipe et même l’aspirant guide Andrei oublie de nous annoncer de la pluie.

mardi 22 août 2006

Explosions de lumières dans la nuit




« Si nous étions de véritables explorateurs nous irions voir ce qui se passe là-bas » dit le guide de St.Petersburg aux alentours de 23 heures.

Peu de temps auparavant j’étais encore sous tente à côté de Michel, emmitouflé dans le sac de couchage, et j’essayais de reprendre des forces en vue de l’ascension du lendemain. Dehors on entendait la conversation des russes qui buvaient du thé. Le température était passée sous les -10 degrés et le sommeil arrivait finalement quand Misha s’est approché et a dit de sa voix d’ours :

« Christian, Michel ! Vous devriez venir, il y a des lumières étranges.»

Sortis la tente nous n’avons d’abord rien vu que la vallée qui file vers le nord et le ciel étoilé. Puis il y eut un flash de lumière sans aucun bruit, à 10 ou 15 kilomètres en direction de l’étoile polaire. Le phénomène se répéta peu après : c’était un éclair de lumière qui partait du sol et s’élevait en formant des cercles concentriques qui duraient deux à trois secondes. Comme une explosion silencieuse. Ces flash se répétaient à des intervalles allant de 40 secondes à deux minutes. Aucun bruit ne nous parvenait.

Etions-nous de véritables explorateurs ? demandait Misha. Provocation.

Je me suis habillé chaudement et suis parti avec lui en direction du nord, chacun s’étant équipé d’une lampe frontale et d’un piolet. Je n’étais pas enthousiaste et fis remarquer que l’objectif de cette expédition était la recherche du Yéti des Tian-Shan, pas une rencontre du troisième type avec des extra-terrestres ! Le guide se contentait de garder un esprit pratique et, à chaque kilomètre, il construisait un kern – qui est un assemblage de petites pierres – pour nous permettre de retrouver le chemin du retour.

Nous avancions rapidement, tête baissée, en direction des lumières. Après une heure elles semblaient avoir disparu. Misha eut la présence d’esprit gravir une colline pour observer la situation depuis un point de vue. Nous avons alors suivi un sentier créé par des chèvres sauvages à travers un pierrier jusqu’au sommet.

Là-haut nous attendait un ciel dégagé et la lune rousse qui se levait. Toutes les étoiles de l’hémisphère nord étaient présentes, il faisait très froid. Après quelques minutes les explosions de lumière reprirent. Elles s’étaient déplacées vers le sud est et se situaient maintenant dans la partie chinoise à plus de 50 kilomètres. Le phénomène se répétait à des intervalles allant de une à trois minutes. Nous en vîmes également en direction du nord, plus rares - chaque 5 minutes - et beaucoup plus lointaines que celles qui nous avaient tirés hors de la tente.

Nous avons été incapables de photographier ces explosions de lumières, ce qui souligne notre absence de maîtrise technique du matériel photographique et l’impréparation de cette expédition.

Le lendemain soir le phénomène ne s’est pas reproduit.

Deux jours plus tard nous avons croisé les soldats de la garnison de Bedel qui n’avaient rien remarqué. 100 kilomètres plus aux nord, au bord du lac Issy-Kul, un villageois nous apprit que son grand-père racontait avoir vu des lumières semblables. Il y a 50 ans.

lundi 21 août 2006

Vers les sommets vierges



Le soir, sous la tente, l’équipe dévore des yeux la carte de la région à la lumière des lampes à gaz. L’opinion de mes camarades est que nous sommes arrivés trop tard : le Yéti est parti. Leur soif de découvertes s’est maintenant portée sur les sommets vierges de Kokshal-Tau et je ne parviens pas les retenir. La traque de l’homme des neiges est terminée.

Le Kokshal-Tau est un chaîne de montagnes qui délimite la frontière entre le Kirghizstan et la Chine. Elle se trouve 50 kilomètres plus au sud, un semblant de route et un pont délabré nous y mènent. C’est l’affaire du chauffeur Andrei.

Sa conduite du 4×4 est sportive. Andrei est un kirghize d’origine russe, un ancien champion de cyclisme sur route qui a renoncé à sa carrière sportive parce que les vélodromes du pays se sont délabrés, comme la plupart des usines construites par les colons russes. Il vit ses dernières semaines dans ce pays car il émigrera avec sa famille à Kaliningrad dès la fin de l’été, suivant le mouvement de la minorité slave qui n’est plus la bienvenue dans le pays depuis son indépendance en 1990. Son rêve secret est de participer au Camel Trophy. Il s’entraîne avec nous à la conduite tous terrains avec le minibus.

Il crève trois pneus sur les cailloux et démontre aux 10 gardes frontières du village garnison de Bedel l’art de changer les chambres à air à 3′000 mètres d’altitude. Les soldats regardent d’un air intéressé mais ils ont perdu la foi dans la mécanique. Leurs jeeps sont hors d’usage depuis des mois et ne seront pas réparées. Ils ne se déplacent plus qu’à cheval dans les vallées.

Nous quittons la route pour nous approcher des sommets vierges. Andrei ne se laisse pas trahir une seconde fois par le sol marécageux. Il engage le véhicule dans le lit de la rivière où les pierres  garantissent sa stabilité. L’eau s’écoule dans l’habitacle et vient mouiller nos orteils.

Qu’importe, puisque nous sommes arrivés au fond de la vallée. A trois kilomètres de distance se dressent deux glaciers qui bloquent de toute leur largeur le passage vers la Chine. C’est un barrage de glace qui culmine à 4′800 mètres. Devant eux une montagne pyramidale monte la garde.

Ces sommets n’ont pas de nom, ils n’ont jamais été escaladés. Nous allons tenter une ascension.


dimanche 20 août 2006

L’empreinte sur le glacier



Nous avons relevé cette empreinte au sommet du col de Koyondu, à 4′327 mètres d’altitude dans le massif d’Akshirak. La glace à cet endroit commençait à fondre et une seconde trace de pas, à moins d’un mètre de distance, avait pratiquement disparu.

Le col de Koyondu relie deux vallées en pente douce qui sont recouvertes de glace. Nous nous sommes équipés de crampons, piolets et baudriers pour y parvenir. Les traces se trouvaient au milieu du col, à son point le moins élevé : l’endroit logique où un homme ou un animal passerait s’il voulait économiser ses forces. La neige est très dure en aval, trop pour qu’une personne ou un animal de poids raisonnable puisse s’enfoncer et y laisser une empreinte significative.

Cette trace a très bien pu être laissée là par un homme. Mais à notre connaissance la dernière expédition à cet endroit date de trois ans. Et de plus le plaisantin aurait dû enlever ses chaussures pour marcher sur la glace.

Rien ne prouve que ce soit une trace de Yéti. Mais ce n’est pas impossible. Dans ce cas, selon ma théorie du Yéti pour les Tian Shan, ce serait un hominidé de taille moyenne, un cousin de l’orang-outan - ni un ours, ni un gigantopithèque.

Nous n’avons pas trouvé de poils ou d’excrément, ni n’avons aperçu la silhouette d’un homme singe dans le massif. Nous avons seulement relevé cette empreinte dans la glace à 4′327 mètres d’altitude. C’est ma première expédition à la recherche du Yéti et je ne retourne pas les mains vides.

Le rêve continue, ma quête aussi.





samedi 19 août 2006

YETI LAND



Nous progressons lentement dans le YETI LAND . D’abord parce que nous avons du attendre que le soleil brille ce matin pour recharger les batteries du camescope sur le panneau solaire. Ensuite parce l’équipe scrute le sol à chaque pas pour trouver des empreintes laissées par les prédateurs des hauteurs.

Les roches qui surplombent la vallée sont brunes, rousses et violettes. Ces couleurs chaudes tranchent avec la froideur de la langue du glacier.

La rivière se colore. Au petit matin l’eau est claire puis, sous l’effet du soleil d’août qui fait fondre la glace, le niveau des flots monte et les ruisseaux sortent de leur lit pour arracher la terre friable sur la rive. En fin de matinée tous les cours d’eau sont bruns.

Au loin se dessine la silhouette de l’aspirant guide Andrei qui enlève ses souliers pour franchir la rivière. Andrei est un étudiant qui, tout comme son père, se destine à être un jour ingénieur civil mais son rêve est de vivre avec la montagne. Il nous sidère chaque matin lorsqu’il fixe le ciel et nous annonce qu’il va pleuvoir puis, chargé d’un sac deux fois plus gros que lui, il file comme l’éclair pour rejoindre les hauteurs. Andrei se trompe chaque jour car le soleil est au rendez-vous ; il ne boit pas de bière, ne fume pas et ne croit pas au Yéti. L’aspirant guide ne prend donc pas au sérieux notre expédition mais enfin, il est heureux d’être dans son élément.

Derrière lui se dresse le massif d’Askshirak où tout n’est que glace. Changement d’équipement en vue.




vendredi 18 août 2006

La méthode



« Nous devrons atteindre les glaciers et monter sur un sommet pour avoir un bon point de vue. De là nous examinerons les zones qui se trouvent entre la moraine et la glace. Il s’agira de dénicher des trous ou des grottes qui pourraient servir de tanière à un animal de taille moyenne. Tout près devrait se trouver un point d’eau : ce pourrait être une source, une rivière ou un lac. Une fois l’endroit trouvé il faudra rechercher des empreintes, des excréments ou des ébauches de sentiers. Et ne pas oublier de scruter le ciel : des oiseaux qui convergent ensemble vers un point peuvent révéler la présence d’un cadavre et donc d’un prédateur. »

C’est la méthode proposée par le guide Misha pour rechercher le Yéti.

Au travail !







jeudi 17 août 2006

La vallée désertée


Le camp de base établi à 3′600 mètres d’altitude est confortable et nous nous octroyons une journée d’ acclimatation.

J’en profite pour coincer mes habits trop sales sous les pierres de la rivière. L’eau claire se charge de les rincer au matin. En face de nous, de l’autre côté de cette rivière sans pont, se tient une  maisonnette en pierre. Elle semble inhabitée depuis des années et est tombée en ruines. En amont du camp traînent des bouteilles vides abandonnées par la dernière expédition qui s’est aventurée ici il y a trois ans de cela.

Il n’y a plus d’arbres, c’est bien trop haut. La vallée est recouverte d’une herbe tenace, verte, qui pourrait nourrir des troupeaux de yaks et de moutons. Mais le prochain village est trop éloigné, à plus de 80 kilomètres, et les hommes ont renoncé. Cette vallée a été désertée.

Nous nous lançons dans une première ballade dans les collines, puis le jour suivant gravissons un premier sommet à 4′300 mètres. De là-haut nous sommes ceinturés par les Tian Shan, montagnes célestes toutes de roches et de glaces du sud au nord et de l’est à l’ouest.

Les pierres roulent sous nos pieds et la terre est molle, qui garde volontiers la marque de tous ceux qui sont passés par là. On lit les empreintes des moutons de Marco Polo, ces ovidés sauvages qui pèsent jusqu’à 150 kilos et dont les cornes immenses s’enroulent en tire-bouchon. Parfois leurs empreintes s’entremêlent et font penser à des traces de pied qui auraient été laissées là par un gigantesque bipède …

Une partie de l’équipe s’est employée à désembourber le minibus. Nous sommes encore éloignés des  glaciers et nos guides russes songent déjà à lever le camp. Ils chantent le soir dans la tente à la lumière des lampes à gaz. Leurs voix sont basses et leur chansons souvent mélancoliques, particulièrement celle qui raconte l’histoire d’un corbeau noir porteur d’une mauvaise nouvelle.

Un leader émerge dans l’équipe, il s’agit de Misha qui vient de St. Petersburg bien qu’il ressemble plutôt à un ours de Sibérie. Les apparences sont trompeuses : c’est en fait un type intelligent, éduqué et cultivé, qui a quitté un travail bien rémunéré pour vivre ses deux passions qui sognt de gravir les sommets et de boire du thé en montagne. Il a consacré le meilleur de ses weekends à observer faune sauvage dans les environs de St. Petersburg et son coup d’oeil nous vaudra une belle découverte sur le sommet d’un glacier.

En attendant cet heureux événement nous nous déplaçons à pied sur 15 kilomètres avec deux tentes de poche et un peu nourriture pour établir un camp avancé sous les glaciers du massif d’Akshirak.






mercredi 16 août 2006

Quel est votre objectif dans cette expédition ?


” Quel est votre objectif dans cette expédition ? ” demande Serguei, le géologue kirghize originaire de Géorgie. Sa compagnie à Bishek organise des excursions dans la chaîne des Tian Shan où les alpinistes peuvent se mesurer à des sommets vierges. Il a orchestré un coup de marketing en suggérant qu’avec un peu de chance on pourrait rencontrer le Yéti dans le massif de Akshirak. Il arbore une moustache grise de baroudeur et je suis dans son bureau pour organiser les détails de l’expédition.

Deux guides de haute montagne se tiennent appuyés contre le mur. L’un deux a le physique d’un ours de Sibérie et l’autre, plus sec, est un grimpeur qui aime avant tout les dévers dans les falaises. Ils sont d’origine russe et, je le saurai plus tard, ne rêvent que de gravir des sommets durant les prochaines trois semaines. Mais ce n’est pas à eux que s’adresse Serguei.

Alors, cet objectif ?

Moment de flottement. Les membres de l’expédition se regardent, ils sont au nombre de deux. Il y a moi bien sûr et mon pote : il s’appelle Michel et ensemble nous constituons le noyau dur de l’association CARTE BLANCHE. Michel vit et travaille au Congo depuis une année. Dans ce pays immense de l’Afrique ont lieu ces jours les premières élections présidentielles depuis 45 ans et Michel a quitté Kinshasa sous les balles pour s’offrir une escapade en Asie Centrale. Encore assommé par le voyage il me laisse la parole. Je réponds en toute franchise :

« L’objectif de cette expédition est de rechercher le Yéti des Tian Shan ».

La cause est entendue pour tous ceux qui sont présents dans la pièce. Serguei le directeur sait que ses clients sont de doux rêveurs. Le guide ours prend mentalement la décision de modifier la liste des vivres où il ajoutera, vu le caractère particulier de l’expédition – comme il le confiera plus tard – deux bouteilles d’alcool fort.

Nos questions sur ce qui nous attend dans les montagnes d’Akshirak sont vite réglées : la dernière incursion sur place remontant à trois ans il n’existe pas d’information fiable. L’endroit est sauvage, très froid, Akshirak est un massif aussi étendu que la région de Chamonix et nous devrons traverser un pont qui sera peut-être en bon état.

Pour le déplacement l’agence met à disposition un minibus 4×4 russe de la marque UAZ. Il s’agit du modèle grand format de la jeep qui m’avait si bien lâché dans les Pamirs , ce qui m’inspire les pires craintes mais garantit un fond d’aventure pour le voyage.

Le minibus est doté d’un grand coffre. J’avais expédié de Suisse un caisse remplie de matériel d’alpinisme que Dmitry, mon contact dans l’agence, a réussi à soustraire à la rapacité des douaniers kirghizes. Dmitry est un héros qui a du se battre contre les bureaucrates, merci à lui ! Nous chargeons donc corde, piolet, crampons et baudrier avant de démarrer.

Lentement d’abord : trois heures pour les 30 premiers kilomètres, le temps d’acheter des produits frais aux marchands ouzbèques sur le bord de la route. Nous nous arrêtons ensuite sur les rives du lac d’Issy Kul pour une petite baignade puis passons le dernier village – où je complète nos vivres avec un peu de bière – et nous plongeons vers le sud.

La route s’élève. Enfin. Mon pote Michel, qui est un fin photographe, s’accapare mon appareil numérique. Les images dans ce blog seront désormais prises par lui. Je pourrai m’occuper à plein temps du caméscope.

Des barrières bloquent la route, ce sont les premiers contrôles. Le trafic automobile se tarit et nous croisons maintenant des hommes à cheval. L’un d’eux transporte la carcasse d’un poulain coupé en deux. Nous voici entrés dans le Kirghizstan profond.

Le minibus s’arrête durant 20 minutes dans une petite garnison militaire. Au-delà commence la région frontière avec la Chine et nous devons présenter les permis d’usage. Le garde frontière demande 5 litres d’essence comme taxe de passage.

Puis se présente devant nous une rivière qui sort des glaciers en charriant une eau terreuse. Elle est large - près de 50 mètres - , se ramifie en ruisseaux séparés par des bancs de pierre, et peu profonde. Heureusement, car le pont de bois s’est effondré.

Le 4×4 traverse à gué et ne perd qu’une roue dans l’aventure. Nous quittons la route et notre groupe d’explorateurs intrépides pénètre dans la région d’Akshirak. Les sommets des glaciers pointent au loin, deux aigles planent dans le ciel et les marmottes sifflent devant leurs trous.

Le but maintenant est de s’enfoncer avec le véhicule le plus possible dans la vallée pour nous rapprocher des sommets. Ce ne sera pas très loin car le sol est marécageux et le 4×4 ne tarde pas à s’embourber. Nous essayons de dégager les roues en pellant la terre avec nos piolets. Tout le monde pousse, le chauffeur met les gaz mais la roue arrière gauche s’enfonce chaque fois d’avantage. Bon, l’endroit n’est pas si mal après tout.Nous sommes à 3′600 mètres d’altitude dans la vallée d’Akshirak. C’est ici que s’établira le premier camp de base de cette expédition dont l’objectif est de rechercher le Yéti des Tian Shan.




mardi 15 août 2006

Théorie du Yéti pour les Tian Shan



Le Yéti n’existe probablement pas. Aucune preuve tangible de sa présence sur terre n’a été répertoriée à ce jour : ni ossement ni fourrure et encore moins un spécimen vivant. Son champ d’étude a été relégué au domaine de la cryptozoologie, une science biologique spéculative qui intéresse principalement les rêveurs. Qui doivent se contenter d’observations du Yéti en haute altitude par des montagnards et de traces de pas sur les neiges éternelles.

Sa présence a été signalée dans les chaînes de l’Hymalaya, des Pamirs, des Tian Shan et de l’Altaï, toutes situées au coeur continent asiatique. Le témoin le plus célèbre est Reinhold Messner, l’alpiniste d’origine italienne qui fut le premier à gravir les 14 sommets de plus de 8′000 mètres de la planète. Il a raconté sa rencontre avec le monstre dans une vallée du Népal et sa quête pour le retrouver durant les années qui suivirent. Messner est arrivé à la conclusion que le Yéti est un ours, d’une espèce rare propre à l’Hymalaya, qui laisse ces traces si particulières lorsqu’il se dresse sur les deux pattes de derrière. Je recommande son bouquin « YETI - DU MYTHE A LA REALITE», même si, à mon avis, il n’est pas du niveau de «TINTIN AU TIBET» :)

La thèse de Messner est controversée et nombre de mes amis cryptozoologues voient dans le Yéti un primate. Certaines empreintes relevées ne présentent en effet pas de griffe et elles s’étendent sur une distance trop étendue pour être le fait d’un ursidé marchant sur deux pattes. Des témoignages visuels en outre l’assimilent clairement à une espèce de singe. Ce pourrait être alors un descendant du gigantopithèque, un primate qui vivait en Chine et en Inde et qui a disparu il y a près de 12′000 ans. Il pouvait mesurer jusqu’à 3 mètres.

Mais le Yéti n’est pas forcément un géant. J’ai recueilli lors de mes voyages un seul témoignage d’une rencontre directe : il s’agissait d’un porteur qui avait aperçu un hominidé pas plus haut qu’un mètre 20 près d’un cours d’eau dans les montagnes du Sikhim au nord de l’Inde. On serait alors en présence d’un cousin de l’orang-outan au poil roux de Sumatra et Bornéo.

Chaque fois que je parle du Yéti au coin du feu avec les habitants de l’Hymalaya, des Pamirs et des Tian Shan, on me répond avec réticence et avec crainte. Le Yéti est souvent assimilé à une créature magique entourée de superstitions.

On ne peut cependant pas classer les scientifiques soviétiques qui exploraient les Tian Shan parmi les crédules.

La chaîne des Tian Shan – les Montagnes Célestes – délimite la frontière entre la Chine et le Kirghizstan sur près de de 2′000 kilomètres. Son plus haut sommet, le pic POBEDY, culmine à 7′439 mètres. La région a été explorée pour la première fois en 1857, puis elle est restée interdite d’accès pendant la plus grande partie du 20ème siècle. Seules des expéditions soviétiques ont pu en étudier le relief accidenté pour des relevés climatiques ou pour rechercher des mines d’or ou d’uranium. Elles ont raconté avoir relevé à cette occasion des traces dans la neige et avoir aperçu les silhouettes d’hommes velus. Le mystère du yéti des Tian Shan était né.

Aujourd’hui que l’union soviétique s’est écroulée la région est pratiquement inhabitée. Il n’existe dans la région de Akshirak, au sud du Kirghizstan, qu’un village de 80 habitants et deux routes. Et encore le pont pour traverser la rivière s’est-il écroulé. Les vallées qui mènent aux glaciers sont marécageuses. Les premières habitations en Chine sont distantes de plus de cent kilomètres et les vallées si infranchissables que les trafiquants préfèrent emprunter les routes officielles et s’arranger avec les officiels.

C’est un endroit sauvage, un des derniers de la planète où l’on est entouré de sommets à 5′000 mètres d’altitude encore vierges. Une aubaine à l’heure de Google Earth.

Le Yéti n’existe probablement pas. Mais s’il existait quand même, ce serait dans un endroit comme les Tian Shan où aurait pu, pourquoi pas, survivre une population de quelques dizaines d’individus à l’abri du regard des hommes.

Voilà pourquoi je me dirige vers les Montagnes Célestes. Je n’irai pas seul.

samedi 5 août 2006

Sortie de zone kazakhe


Ce n’est pas une surprise : il n’y a pas de billet de train disponible pour Almaty avant trois semaines. Me voici séparé de la douce république kirghize par 2′000 kilomètres de steppe que je devrai parcourir en quatre sauts de puces.

La première étape est la ville de Kyzlorda qui compte 160′000 habitants. Le bus est complet mais on me promet une place dans le couloir pour ce soir. Je me présente à 20:00. Une baboushka d’Aralsk détient le monopole des billets, elle impose une discipline de fer devant la gare. Elle commence par se moquer de moi à cause de mon russe balbutiant mais elle m’obtient finalement un siège confortable. J’ai du mal à comprendre les kazakhes.

Le voyage dure 11 heures durant lesquelles mon voisin ne desserrera pas les dents. Nous filons dans nuit en frôlant la zone interdite de Baikonour. Un jeune ingénieur russe, qui a la chance d’y habiter, me décrira les centaines de satellites qui sont lancés depuis la base spatiale chaque année et qui illuminent la ville lorsqu’ils décolent la nuit.

J’arrive au petit matin dans la gare de Kyzlorda, où je trouve immédiatement un billet de train pour Turkistan, la prochaine ville d’importance en direction du sud. Ce sera mon second saut de puce, ce soir à 21:00 .

Inévitablement un gendarme me tombe dessus et m’embarque dans un poste de police étroit. Il me pousse dans une cellule pour fouiller mon sac à dos et examine mon billet, me demandant pourquoi je ne quitte pas plus tôt la ville. Je ne suis pas bienvenu ici ; je vais aller me reposer dans un hôtel durant la journée.

La prochaine étape ferrovière durera 8 heures. C’est un voyage agréable dans le compartiment troisième classe : les trains sont la fierté du Kazakhstan. Les passagers sont d’humeur bavarde. Mon voyage les intrigue et ils aiment m’entendre parler du Pakistan et de l’Afghanistan. Ils s’inquiètent de savoir si j’ai rencontré des BASMACHIS, nom qu’on donne ici aux guerriers musulmans que pourchassait l’empire tsariste puis bolchevique, et qu’on considère comme des bandits.

Je débarque dans la gare de Turkistan au milieu de la nuit. Un taxi m’accompagne dans un hôtel, le chauffeur siffle le veilleur de nuit ensommeillé qui veut bien m’attribuer une chambre si je lui laisse un bakchich.

Turkistan a été durant une courte période la capitale de la république soviétique du même nom. La ville s’enorgueillit d’un mausolée surmonté d’un dôme bleu qui abrite les restes du poète mystique soufi Kozha Akhmed Yasaui. Elle est également dotée d’une université kazakho-turque . Dans un restaurant j’aperçois des professeurs américains qui ont l’air contents de rester entre eux. Les habitants du lieu sont plutôt taciturnes, à part les petites nanas de l’hôtel et les vendeurs de brochettes.

Au détour d’une rue je tombe sur un improbable minibus Volkswagen orange. Il n’y en a pas deux semblables en Asie Centrale cette année : c’est le véhicule d’un jeune couple - une brunette du sud de la France et son ami allemand - avec qui j’avais tué le temps à Kaboul au mois de mai. Ils sont sur le chemin du retour et se dirigent vers la Russie. Ils ont arrêté de fumer et grignotent des montagnes de pistaches. Bonne route à eux !

Troisième saut de puce pour rejoindre Shymkent à quatre heures de minibus, près de la frontière kirghize. Une demi-journée d’attente et je trouve un car allemand recyclé qui partira pour Bishkek.

11 heures plus tard nous arrivons au nord de la capitale kirghize, dans le marché géant de Dordoy. C’est en fait une ville de containers qui sont empilés sur deux étages, celui de dessous servant de boutique, celui de dessus de dépôt pour la marchandise. Je me déplace avec une boussole pour être sûr de retrouver la sortie. On y vend des habits, des souliers et des articles électroniques qui sont tous importés de Chine.

Les voyageurs du bus sont venus de Shymkent pour faire des emplettes ; ils repartiront le soir même pour revendre leurs marchandises après un nouveau voyage de 11 heures.

De mon côté c’est le dernier saut de puce de ma sortie de zone kazakhe. Une vendeuse de jus de fruits me reconnait dans la rue et me lance : “Welcome back to Bishkek”. Je suis à la maison.


vendredi 4 août 2006

Vaisseaux fantomes


Akmaral, en manager pimpante, me conseille d’aller visiter le musee de la ville pour avoir un tableau complet de l’assechement de la mer d’Aral. Son ONG ” Aral Tenizi ” organisera demain un voyage en jeep pour aller voir les epaves rouillees qui gisent dans le port de Dzhambul, a 30 kilometres de la cote. Je saurai pourquoi, me dit-elle, le niveau de l’eau remonte et l’industrie de la peche redemarre a Aralsk.

Malheureusement je suis embarque par la police a l’entree du musee. Je me serre aux cotes de deux russes a l’arriere de la Lada. Le policier a l’air content de sa tournee : il a maintenant tous les etrangers de la ville a disposition dans son bureau. Il ne perd pas de temps et me gratifie de suite d’une amende pour un defaut d’enregistrement aupres des services d’immigration. J’ai la sensation que mes papiers sont en regle et j’essaie de m’expliquer avec mon vocabulaires de 30 mots de russe. 15 minutes plus tard le gendarme me relaxe au motif que j’ai fete mon anniversaire il y a quelques jours. Il me serre la main sans oublier de me demander combien d’argent j’ai sur moi.

Je croiserai dans l’apres-midi les deux russes qui etaient pieges dans la Lada. Ils s’appellent Alexandr et Inna, deux biologistes de Volvograd en expedition dans le Kazakhstan. Ou ils ne sont pas epargnes par la police.

Je retourne ensuite au musee qui, contrairement a ce que pretend la plaquette a l’entree, est ferme cet apres-midi. J’essaierai de dresser un tableau de la situation moi-meme.

6 epaves rouillees gisent dans la steppe a Dzhambul : tous ceux qui aiment les histoires de vaisseaux fantomes les trouveront magnifiques. Des troupeaux de chameaux et de chevaux, ainsi que quelques vaches, passent dans les environs. Le niveau de l’eau arrivait donc jusqu’ici en 1960 lorsque les planificateurs sovietiques deciderent de detourner l’eau du Syr-Darya et de l’Amu-Darya au profit de la culture du coton. La mer d’Aral s’est progressivement videe pour se diviser en deux.

La partie plus au nord ou je me trouve s’appelle la petite mer d’Aral. Paradoxalement c’est celle qui a les meilleures perspectives pour le futur. Un barrage a ete construit au sud et le niveau de l’eau remonte gentiment. Corrolaire : la grande mer d’Aral, partagee avec l’Ouzbekistan, est condamnee a s’assecher.

Une espece de poisson originaire du Danemark a reussi a s’acclimater et remplit maintenant les filets des pecheurs. On tient le coup comme ca a Dzhambul. Un villageois m’offre un bol de lait de chameau, vestige de l’hospitalite kazakhe qui a survecu a deux generations de communisme.




jeudi 3 août 2006

Une fete a Aralsk


J’ai ete attire par la chanson “Daddy Cool” des “Boney M” dans un cafe d’Aralsk. On y donnait une fete privee pour celebrer les 25 ans d’anniversaire du baccalaureat. J’ai ete gentiment invite a venir piquer dans les assiettes et a danser. Merci a eux.


mercredi 2 août 2006

Un train pour Aralsk



La queue devant le bureau des renseignements de la gare d’Almaty est anarchique. Les gens se bousculent, ils vous crient dans les oreilles. Voici la brusquerie kazakhe.

Les nouvelles ne sont pas bonnes : pas de billet disponible pour Aralsk avant 12 jours.

La premiere personne a me donner un coup de main s’appelle Murrat. Il me demontre qu’il suffit de gratter pour retrouver un peu de gentillesse kirghize a Almaty. J’ai tout d’abord une discussion ferme avec lui devant le guichet pour determiner lequel de nous deux a la priorite dans la queue. Il ne parle pas anglais et requisitionne Y., une jolie etudiante en relations internationales, pour la traduction simultanee. Elle restera avec nous une heure entiere . Mes interlocuteurs m’expliquent le fonctionnement des queues dans ce pays: lorsque quelqu’un arrive il demande quel etait le dernier arrive dans la queue et se place en consequence ; l’ordre apparent des personnes est secondaire.

Murrat, qui possede une entreprise de construction florissante, se rend a Astana et n’a pas trouve de billet non plus. Il ne s’en fait pas car, me dit-il, on peut toujours s’arranger avec le PROVODNIC - le steward du wagon - a condition d’avoir un peu d’argent. Il m’offre une limonade et nous nous quittons bons amis.

De mon cote j’essaie de m’arranger avec le marche secondaire des billets dans le hall de la gare. On me propose un billet pour le lendemain. La transaction dure trois heures, je paierai le triple du tarif.

Le train 379 part a 21:05 pour Uralsk, une ville situee 1′000 km au nord d’Aralsk, tout pres de la frontiere russe. Des montagnes de bagages sont entassees sur le quai et, lorsque la locomotive entre en gare, c’est la course. Les grand-meres n’ont pas la force de marcher 200 metres pour emprunter la passerelle. Elles s’enfilent avec leurs valises sous les wagons pour traverser la voie.

Je suis en troisieme classe qu’on appelle ici PASSKART. C’est un wagon couchettes sans portes coulissantes ni compartiments. Au petit matin je me retrouve sans provision. Les passageres organisent une collecte pour mon petit-dejeuner : deux tomates, deux concombres et une pomme-de-terre.

Avec les lueurs du jour arrivent les vendeuses ambulantes. Le train se transforme en bazar, on trouve des habits, des mandolines, des journaux, de la limonade et des plats cuisines. Dans le couloir les passagers defilent avec des theieres pour puiser l’eau bouillante du Samovar. Durant les arrets dans les villes importantes un petit groupe se retrouve sur le quai pour fumer des cigarettes.

Le paysage est tout d’abord celui d’une plaine bosselee. Puis c’est la steppe, verte, infiniment plate. Bientot c’est le sable qui s’impose et il ne reste que des touffes d’herbe.

Des vendeuses proposent du poissons fume, nous sommes proches de la mer d’Aral. Le train entre a ARAL MORE a 7:33, exactement selon l’horaire. Une precision suisse. Le voyage a dure pres de 35 heures.

Lorsque je m’ennuyais un professeure nomme Lunara ma faisait la conversation. J’ai bien aime ce train pour Aralsk.

mardi 1 août 2006

Un routard a Almaty



L’argent des reserves de petrole de la mer Caspienne transforme la ville d’Alamaty . Les nouveaux riches roulent en 4×4, les hotels sont renoves en 3, 4, 5 etoiles. Il n’y a pas de place dans cette ville pour les routards, comme je vais m’en apercevoir.

J’arrive a la gare ferroviere en debut de soiree et je constate que le prix des chambres de l’hotel T. a triple par rapport a mes previsions. Je bois une biere dans un cafe pour recuperer des 4 heures de voyage depuis Bishkek et trouver une solution alternative pour la nuit. Un ivrogne entre dans l’etablissement, il exige des cigarettes. Je refuse de lui en donner, il hausse le ton, moi aussi. C’en est fini des douceurs kirghizes.

Un chauffeur de taxi propose de m’emmener a l’hotel U. pour un prix astronomique. La nuit tombe, je n’ai guere le choix. Il tourne dans les rues pour me faire croire que la destination est lointaine. J’ai un plan dans les mains et je vois qu’il me mene en bateau. Je suis egalement inquiet car je lis dans le guide “Lonely Planet” que certains taxis emmenent leurs clients dans les faubourgs d’Alamaty et reclament ensuite de l’argent pour retourner en ville. Je hausse le ton. Nous arrivons devant l’hotel U., un relais de routard a 10$ la nuit selon le LP. L’endroit est ferme depuis un an. L’etablissement similaire en face est complet.

Il fait nuit noire maintenant, je pose mes sacs sur le bord de la route et fais signe aux voitures qui passent. Une Lada s’arrete et m’emmene a l’hotel U. Les chambres coutent 80$ la nuit, comme dans une capitale europeenne.

Le lendemain matin je me rends a l’ambassade kirghize situee, selon le LP, dans un batiment anonyme difficile a trouver. D’autant plus que l’ambassade a demenage en 2003.

J’appelle “Stan Tours” pour trouver un logement chez l’habitant, mais l’agence n’est plus dans ce business. Elle m’envoie tout de meme par courriel la route a suivre pour trouver un dortoir. Je m’y rends le lendemain. L’endroit correspond a la description que m’a fait K. , un cycliste japonais rencontre a Bishkek qui pedale depuis la Chine jusqu’au Portugal et qui s’est fait voler son sac de couchage dans un certain dortoir d’Almaty. Trop rude pour moi.

Je reussis tout de meme a obtenir un rendez-vous avec U., une kazakhe qui a des pommettes haut sur le visage et un jolie nez droit et fin. Elle me fait attendre sous les etoiles et finalement ne vient pas. Je pars boire une biere dans un bar. Il est ferme depuis 1 an.

J’espere que ca ira mieux a Aralsk.




dimanche 25 juin 2006

Passageres khirghizes



Hassan, qui est un grand kurde, m’avait prevenu : “tu verras, les khirghizes sont douces”.

Je n’etais pas sur d’avoir le temps de m’en rendre compte car je ne faisais que transiter par le Kirghizstan pour me rendre au Kazakhstan. Le moyen de transport etant le marshrutka, minibus sovietique sans confort et incassable.

Je suis parti depuis Murghab sur le haut plateau des Pamirs, a 3′600 metres d’altitude, pour rejoindre la ville d’Osh au sud du Kirghizstan. C’etait la partie la plus longue de mon transit vers les steppes kazakhes. Nous avons creve 8 fois et la route a ete coupee durant la nuit par une coulee de boue. Le voyage a dure 26 heures, tous entasses dans le minibus, et moi serre contr G., qui avait ramene ses cheveux en chignon et est la plus douce des kirghizes. Il pleuvait, il faisait froid et j’esperais au fond de cette vallee que la roue de secours tarderait encore avant d’arriver.

Dans un marshrutka de Osh se trouvait J. , qui porte un foulard noir depuis que son mari a ete assassine. Elle est toujours belle mais son caractere s’est endurci. Son oeil noir crucifie les serveurs qui tardent a nous apporter le sel et le poivre. Elle vend des friandises au marche de Khorog et des vetements dans les bazars d’Almaty avec son amie Z. Ces deux femmes partent chaque 15 jours avec des balots de marchandises sur les routes les plus inconfortables pour gagner leur vie.

K. est une jolie etudiante de l’universite d’Osh qui sera un jour professeure de mathematiques. Elle se rend en marshrutka dans la capitale Bishkek pour la premiere fois de sa vie. Elle etudie dans la bibliotheque nationale et a parfois le temps de manger avec moi. Avant de se lancer dans une phrase en anglais elle marque une pause de quelques secondes pour se concentrer. Son visage se ferme, sa voix est douce. J’etais prevenu.




lundi 19 juin 2006

A quoi ressemble une bergere kirghize ?



Et quand je lui ai demande d’ou venait sa peau fraiche elle m’a dit …

dimanche 18 juin 2006

Avantages et inconvenients des yourtes


Les khirghizes installent leurs yourtes au pied des paturages ou ils emmenent paitre les yaks durant la belle saison. Les voyageurs y sont les bienvenus. C’est un camp de base confortable pour les randonnees dans les Pamirs, qui a ses avantages et ses inconvenients.

les PLUS

+ contact avec les gens : on partage la vie de famille en dormant avec le clan, souvent a 7-8 dans la meme yourte.

+ chauffage : les yourtes sont couvertes par un feutre en laine de mouton. Au milieu se trouve un four alimente principalement par des bouses de yak. La palme du chauffage revient cependant a cette yourte situee pres d’une source d’eau chaude dont une partie etait deviee dans un tuyau qui passait sous le sol de la yourte.

+ nourriture : on mange les produits frais de l’alpage, dont le beurre et le fromage de yak. Parfois il y a de la viande, comme chez les Topchubai ou un yak avait eventre un mouton dans l’apres-midi. Les morceaux de jeunes yaks sont tendres et delicieux.

+ contact avec la nature : toute la nuit les yaks grognent autour de la yourte et le soir on assiste a la traite. La journee les jeunes yaks gambadent dans le camp ; au crepuscule leurs meres galopent depuis les hauts paturages pour les retrouver.

les MOINS

- le yogourt de yak : il n’est pas pasteurise, ce qui m’a value la diarrhee de ma vie

- les toilettes : c’est un trou situe a 100 metres du camp. Pas pratique quand on a la diarrhee au milieu de la nuit, qu’il faut trouver son chemin dans le vent et le froid a 4′000 metres d’altitude avec les chiens qui aboient.

- promiscuite : pas d’espace prive, on partage tout.

- ces questions qui reviennent toujours : quel age as-tu ? pourquoi n’es-tu pas marie ?





samedi 17 juin 2006

A quoi ressemblent les yaks des Pamirs ?



... contemplatifs ...


... quand ils galopent on dirait l'encierro de Pamplona ... 


... le boss ...

vendredi 16 juin 2006

9 formalites pour un trek dans les Pamirs



Lorsque l’officier du KGB a ouvert un tiroir de son bureau, j’ai su que j’etais arrive au bout de mes peines. Il en a sorti une boite de Nescafe, duquel il a extrait un tampon bien rond qu’il a humidifie avant de l’apposer sur les 3 formulaires. Auparavant il a fallu :

1. s’arreter au controle de la MILITSIA, a 5 km de Murghab, ou les soldats ont controle mon passeport a l’ombre de la statue d’un leopard des neiges,

2. stopper le vehicule pour un controle de police a l’entree de la ville, tirer les agents du lit et montrer patte blanche,

3. s’enregistrer au bureau de l’OVIR qui se trouve au centre du village, a cote de la statue de Lenine,

4. passer dans le bureau de META - ACTED, l’eco-organisation qui delivrera 3 formulaires pour lesquels il faudra s’acquitter …

5. d’une taxe “ecologique” de 1$ par jour,

6. d’un permis de randonnee de 50 $

7. et d’une autre taxe de 30 $ pour pouvoir fouler le sol du Parc National,

8. puis repasser a l’OVIR pour tamponner cette paperasse

9. et se presenter dans le bureau du KGB. C’est lorsque l’officier a ouvert le tiroir de son bureau et qu’il a sorti la boite de Nescafe …

A partir de cet instant des centaines de pics sans nom culminant a 5′000 metres sont atteignables en une journee de marche depuis les camps de yourtes. La plupart ne presentent pas de difficulte technique. Pas de sentier pour y grimper, seulement les empreintes des moutons de Marco Polo, des Ibex et parfois celle d’un loup.