lundi 21 août 2006

Vers les sommets vierges



Le soir, sous la tente, l’équipe dévore des yeux la carte de la région à la lumière des lampes à gaz. L’opinion de mes camarades est que nous sommes arrivés trop tard : le Yéti est parti. Leur soif de découvertes s’est maintenant portée sur les sommets vierges de Kokshal-Tau et je ne parviens pas les retenir. La traque de l’homme des neiges est terminée.

Le Kokshal-Tau est un chaîne de montagnes qui délimite la frontière entre le Kirghizstan et la Chine. Elle se trouve 50 kilomètres plus au sud, un semblant de route et un pont délabré nous y mènent. C’est l’affaire du chauffeur Andrei.

Sa conduite du 4×4 est sportive. Andrei est un kirghize d’origine russe, un ancien champion de cyclisme sur route qui a renoncé à sa carrière sportive parce que les vélodromes du pays se sont délabrés, comme la plupart des usines construites par les colons russes. Il vit ses dernières semaines dans ce pays car il émigrera avec sa famille à Kaliningrad dès la fin de l’été, suivant le mouvement de la minorité slave qui n’est plus la bienvenue dans le pays depuis son indépendance en 1990. Son rêve secret est de participer au Camel Trophy. Il s’entraîne avec nous à la conduite tous terrains avec le minibus.

Il crève trois pneus sur les cailloux et démontre aux 10 gardes frontières du village garnison de Bedel l’art de changer les chambres à air à 3′000 mètres d’altitude. Les soldats regardent d’un air intéressé mais ils ont perdu la foi dans la mécanique. Leurs jeeps sont hors d’usage depuis des mois et ne seront pas réparées. Ils ne se déplacent plus qu’à cheval dans les vallées.

Nous quittons la route pour nous approcher des sommets vierges. Andrei ne se laisse pas trahir une seconde fois par le sol marécageux. Il engage le véhicule dans le lit de la rivière où les pierres  garantissent sa stabilité. L’eau s’écoule dans l’habitacle et vient mouiller nos orteils.

Qu’importe, puisque nous sommes arrivés au fond de la vallée. A trois kilomètres de distance se dressent deux glaciers qui bloquent de toute leur largeur le passage vers la Chine. C’est un barrage de glace qui culmine à 4′800 mètres. Devant eux une montagne pyramidale monte la garde.

Ces sommets n’ont pas de nom, ils n’ont jamais été escaladés. Nous allons tenter une ascension.


Aucun commentaire: